Notre Histoire

J’irai golfer à Saint-Aubin

Aux portes de la vallée de Chevreuse, le golf de Saint-Aubin est un endroit à part. Conservant un ADN résolument ouvert, voire libertaire, l’un des premiers 18 trous publics de France a soufflé ses 40 bougies l’an passé. L’occasion de revenir sur l’histoire de cette véritable machine à créer des golfeurs en compagnie de son fondateur, Emmanuel Veillas.

À une petite demi-heure au sud de Paris, le golf de Saint-Aubin est une sorte de sanctuaire. Pas d’une étrange spiritualité verte, non. Plutôt d’une ouverture, d’un golf brut, sans fioriture, d’où transpire depuis plus de quarante ans une simplicité rare. « St-Aub », son petit nom, a ouvert ses portes en 1974 pour fermer celles de l’extension du CEA (Commissariat à l’énergie atomique), son voisin direct.

« On était un peu des écolos avant l’heure à travers ce golf, se souvient avec malice Emmanuel Veillas, son fondateur. L’objectif lors de sa création, c’était de préserver les terres autour du CEA de Saclay. Et puis, il suffit de regarder les photos des débuts pour bien sentir l’esprit un peu baba cool qui régnait : on avait tous de sacrées barbes, le club-house était une ancienne bétaillère pour chevaux (rires) ! La structure était physiquement très ouverte. Les gens se garaient le long de la route, un peu n’importe comment, et venaient taper quelques balles ou prendre un cours. »

Libertaire, d’une certaine manière

Drôle de concept à l’époque que ce golf aux antipodes des très traditionnels 18 trous. Parce qu’à l’origine, Saint-Aubin, c’est un practice vraiment basique et trois trous qui le sont tout autant. Aucune prétention de qualité au menu, le caractère rustique de l’endroit est presque revendiqué : on ramassait les balles à la main sur le practice, le seau coûtait 50 centimes de franc.

Bref, le golf dans sa plus simple expression. Drôle d’idée surtout de vouloir démocratiser largement avant l’heure un sport alors exclusivement cantonné à une élite :

« Je ne trouvais pas normal que tout le monde en France ne puisse jouer au golf pour pas cher…, se souvient Emmanuel Veillas. En Écosse tout le monde, quels que soient sa profession ou ses revenus, joue. Pourquoi pas en France ? Ce jeu est génial, pourquoi le limiter à une situation sociale ? Quelque part le projet du golf de Saint-Aubin véhicule cette idée-là. Il puise sans aucun doute ses racines dans un héritage plus ou moins direct de Mai 68. L’écologie était déjà très présente depuis le début du projet, tout autant que le côté démocratisation. Libertaire ? Oui on l’était d’une certaine manière… »

Apprendre les bonnes manières

Le golf n’allait plus avoir la même image. Saint-Aubin allait être l’un des premiers instruments de sa démocratisation dans l’Hexagone. « On cherchait vraiment à démythifier le golf, confirme Emmanuel Veillas. On l’a appelé golf public pour rompre avec l’image traditionnelle de ce sport. En 1974, c’était novateur. Au-delà de la structure même du golf, l’enseignement était l’autre pierre angulaire du projet. Tout était basé sur de l’enseignement collectif, ce qui était nouveau, là encore. Et puis on avait créé une carte d’autorisation de jouer qui est devenue le tee d’or, puis la carte verte par la suite. L’idée était de délivrer ce sésame tant aux débutants qu’aux joueurs déjà confirmés. »

Et les premiers retours des golfeurs de l’époque ne sont pas spécialement enthousiastes, comme se rappelle le fondateur du golf de Saint-Aubin : « Je prenais un malin plaisir à demander à ces caricatures de golfeurs des années 70 s’ils avaient leur carte pour pouvoir jouer. Ils me regardaient de travers, d’autant que j’avais une longue barbe et un look un peu marqué (sourire). Je les emmenais sur un green et je leur demandais juste de réparer un pitch. Certains n’en avaient jamais relevé malgré plus de vingt ans de pratique. Je leur expliquais qu’on n’avait pas les moyens d’employer quelqu’un pour effectuer cette tâche et qu’ils devaient s’en aller… La plupart partaient furieux. Mais quelques-uns revenaient plus tard en me disant « vous avez raison ». L’étiquette était à la base même de cet ancêtre de la carte verte. On voulait vraiment apprendre les bonnes manières golfiques à Saint-Aubin. »

Petit, mais costaud !

Peu à peu, Saint-Aubin grandit, prend de l’ampleur. Des structures « en dur » remplacent l’ancienne bétaillère. Un premier 18 trous est dessiné avec l’aide de Michel Riot, un chef de chantier parti en Afrique du Sud et qui travaillait pour l’entreprise de Gary Player. « Michel avait appris à construire des parcours et est revenu en France avec l’idée de développer des golfs ouverts, se souvient Emmanuel Veillas. On est rapidement tombé en phase et on a conçu le parcours ensemble. On construisait les greens à la main, on s’équipait petit à petit. Il est malheureusement décédé tragiquement et c’est Robert Berthet qui a pris le relais. Lui aussi avait le même esprit d’ouverture et d’un golf plutôt rustique. »

Le parcours originel de Saint-Aubin tenait sur une parcelle de terrain bien moins grande que celle d’aujourd’hui. La compacité de l’ensemble était une volonté affichée dans le cahier des charges. Là encore, un petit côté avant-gardiste des projets compacts-urbains qui allaient déferler quelques décennies plus tard. C’est en 1978 que ce premier 18 trous est inauguré. L’actuel parcours, qui s’étend sur une parcelle de terrain bien plus grande, même s’il ne fait que 5 473 mètres, ouvre en 1986. Ce n’est pas un tracé très compliqué au premier abord. Par son caractère court et ses fairways accueillants, il ravira les joueurs puissants. Mais scorer bas sur les 18 trous de Saint-Aubin exige précision et putting incisif. Car les greens du parcours sont petits et recèlent quelques micropentes qu’il faut savoir déceler si on compte y enchaîner les birdies.

Attention à ne pas tomber dans le panneau : Saint-Aubin est un parcours plus stratégique qu’il n’y paraît. Il faut savoir rater du bon côté sur ses délicats par-3 (trous 5, 10, 15, 17) et ne pas trop agresser les rares par-5 qu’il comporte (trous 1, 14). S’ils peuvent ressembler à une agréable balade sur terrain plat, les 18 trous du parcours du Mesnil peuvent aussi devenir une jolie leçon d’humilité golfique. Petit oui, mais costaud ! L’enchaînement 15, 16, 17, 18 peut à lui seul ruiner des cartes bien engagées, surtout si le vent est de la partie, ce qui est souvent le cas sur le plateau de Saclay.

De rustique à 3*

Au fil des ans, le golf a été remodelé, transformé, amélioré, jusqu’à en faire aujourd’hui une plateforme idéale pour débuter, progresser ou se perfectionner. Practice, 6 trous compacts façon pitch & putt (idéal pour affûter son wedging), 9 trous école, 18 trous… Saint-Aubin fait perdurer son esprit originel d’ouverture, de découverte et de pratique d’un golf naturel et passionné. Le tout en augmentant ses standards d’entretien au fil des ans.

« Aujourd’hui Saint-Aubin n’est plus un parcours rustique. C’est un tracé 3* avec de très bonnes prestations, confirme Emmanuel Veillas. Avec la concurrence de plus en plus importante des golfs alentour, construits pour la plupart dans les années 90 avec des standards d’entretien bien trop élevés, Saint-Aubin a dû se plier à cette demande. Je ne sais pas si c’est une erreur ou non d’être autant monté en gamme… Mais on perd peut-être un peu l’esprit originel de l’endroit. J’ai l’intime conviction qu’il faut soutenir une sorte de golf à la ferme, avec des green-fees à 10 euros et avec un entretien rustique. »

Entièrement refaites à neuf en 2018, les infrastructures du golf, géré par Bluegreen, offrent en plus des trois parcours un practice de 80 postes, dont 35 couverts, un minigolf, une structure d’entraînement en synthétique et plusieurs greens d’entraînements classiques. Si bien sûr l’actuel parcours de Saint-Aubin et ses environs n’ont plus rien à avoir avec le tracé initial pensé par Emmanuel Veillas et ses associés, l’esprit originel demeure. « Ouvert à tous. » C’est écrit en gros à l’entrée. Et depuis plus de quarante ans, c’est bien plus qu’un simple slogan.